Le Concert spirituel était une entreprise unique en Europe car elle était la seule structure organisée présentant des concerts publics. En effet, les autres concerts étaient à l?époque généralement privés et réservés à quelques privilégiés.
Le créateur de cette nouveauté était Anne Danican Philidor, compositeur de son temps. C?est la puissante Académie royale de Musique qui lui accorda ce droit en 1725, mais uniquement pour des concerts de musique sacrée, présentés les jours de fêtes religieuses. Cela peut paraître peu mais cela représentait environ trente-cinq jours par an.
Une tribune pour les chanteurs surmontée d?un orgue fut installée contre le mur donnant sur le Grand Appartement. Elle pouvait contenir jusqu?à soixante musiciens et chanteurs et elle était richement ornée de motifs musicaux tels que des lyres, le tout étant magnifiquement doré. De plus, le mur au dessus de la tribune fut peint en trompe l??il pour figurer un grand salon. Les trois autres côtés de la pièce étaient aménagés de manière identique avec des bancs en bois surmontés par une série de loges très ouvragées auxquelles on accédait par des escaliers installés dans l?embrasure des fenêtres. Le centre de la pièce constituait le parterre où on disposa de nombreux bancs.
Le Roi demanda tout de même que ces aménagements fussent rapidement démontables en cas de retour du Roi au palais.
Le premier concert eut lieu le 18 mars 1725 avec un concerto de Noël d?Archangelo Corelli qui fut accompagné de deux motets.
Malheureusement, les débuts de l?entreprise ne furent pas aisés et le Concert spirituel dut faire face à de nombreuses difficultés financières et judiciaires. Cependant, les représentations étaient d?une grande qualité et le public ne s?y trompait pas.
Le berceau de grands compositeurs
Malgré les difficultés, le Concert spirituel fut l?occasion pour de nombreux compositeurs de se faire connaître et à d?autres de montrer leur génie déjà reconnu. Ainsi, Corelli, Cherubini, Delalande ou encore Haydn firent leurs débuts au Concert spirituel des Tuileries. D?ailleurs, ce dernier composa ses six symphonies « parisiennes » en l?année 1787 dans la Salle des Gardes du Grand Appartement, au sud de la Salle des Cent-Suisses.
Une visite royale
Le Concert obtint rapidement une reconnaissance internationale et de nombreux artistes étrangers vinrent s?y produire. C?est ainsi que la chanteuse palatine Franziska Danzi se présenta aux Tuileries le 31 mars 1777 et la Reine Marie-Antoinette vint elle-même l?écouter.
Outre cette visite royale, tous les fins connaisseurs de musique étaient des habitués du Concert spirituel des Tuileries.
La visite d?un virtuose du piano
Mozart, virtuose du piano, vint à Paris en compagnie de ses parents pendant six mois, de mars à septembre 1778. Il y créa la symphonie n°31 dite «Parisienne» et c?est bien évidemment aux Tuileries qu?il présenta son ?uvre pour la première fois, le 18 juin 1778.
Déménagement vers la Salle des Spectacles
En 1784, le Concert spirituel, se jugeant trop à l?étroit dans la Salle des Cent-Suisses, demanda à s?installer dans la Salle des Spectacles que la Comédie-Française avait laissée libre. La requête fut acceptée et le dernier concert dans la Salle des Cent-Suisses eut lieu le 13 avril 1784 avec la symphonie des « Adieux » de Haydn. Le déménagement fut bref puisque dès le 16 avril, les concerts commençaient dans la nouvelle salle.
Malheureusement, de nombreuses personnes s?étaient appropriées certaines parties du théâtres dont l?ancienne salle de Vigarani qui servait alors de magasin et de loges pour les artistes. Ces occupations sauvages provoquaient de nombreuses nuisances tels que du bruit et plus grave, des risques d?incendies du fait des nombreux poêles et fourneaux.
Une cohabitation difficile et un arrêt brutal
A partir de janvier 1789, le Concert spirituel doit en plus cohabiter avec le Théâtre de Monsieur qui obtint lui aussi le droit d?utiliser la salle.
Enfin, le retour du Roi aux Tuileries en octobre 1789 sonna le glas des concerts de musique aux Tuileries. L?entreprise déménagea mais elle s?arrêta finalement quelques mois plus tard au début de 1790.
Guillaume CRIEF